vendredi 15 mars 2013

L’invention scolaire de la singularité, par Marc Crépon

Voilà un titre qui ne va pas de soi. Il se pourrait même qu’il prête à sourire, comme s’il présentait quelque incongruité. On ne saurait dire, au demeurant, qui sourirait le plus, d’un air sceptique, des enseignants ou des élèves — sans compter leurs parents qui n’y trouveraient pas nécessairement leur compte.
Ce qu’on attend des professeurs, dira-t-on, c’est qu’ils transmettent leur savoir, tandis qu’on exige des collégiens et des lycéens qu’ils acquièrent les connaissances de « base » nécessaires à tout perfectionnement et approfondissement ultérieurs, qu’ils se plient, en d’autres termes, aux règles et aux méthodes de la discipline, mais également de toute vie en collectivité. On ne leur demande pas d’ « inventer », mais d’assimiler, c’est-à-dire d’incorporer ce qui leur est transmis.
Quant à la singularité, pense-t-on, ils ont assez d’occasions, en dehors de l’École, de la cultiver, dans leur façon de se vêtir et de se distraire, dans leurs loisirs et leur vie privée pour qu’elle soit un objectif du système éducatif.
Au contraire, il y a « école », quand quelque chose de commun (un savoir, une règle) s’impose qui transcende les différences. S’il est vrai que chaque enfant est singulier, unique, de par sa naissance, en même temps qu’il hérite avec elle, dès ses premiers pas dans la vie, d’une particularité d’ordre culturel et familial (voire religieux), la vocation de l’école fait abstraction de la singularité et de la particularité de chacun pour donner à tous les enfants d’une même génération (et d’une génération à l’autre) quelque chose de commun.

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